Fiches de lecture

Quelques avis sur des livres traitant de l'adoption.

Enfants Délaissés, adoptions tardives en France et en Europe

de Claire GORE     


Fiche par Jacques CHOMILIER
             
Cet ouvrage s’intéresse à un double chantier peu visité dans les associations consacrées à l’adoption internationale : les enfants délaissés d’une part, et leur adoption tardive d’autre part, en France et en Europe. Il traite de la souffrance des enfants dont l’abandon n’est pas toujours nommé, ni assumé par les autorités en charge de l’enfance, car un enfant délaissé, euphémisation parfois de maltraité, nécessite l’intervention d’un tiers entre lui et l’adulte qui en a la charge, le plus souvent la mère. Jusqu’à présent les acteurs institutionnels ont favorisé, parfois coûte que coûte, le maintien dans la famille d’origine, souvent au prix de l’illusion de l’existence de liens avec cette famille. Ceci interdit alors tout projet d’adoption pour les enfants délaissés, et la bonne intégration dans les familles d’accueil est souvent un argument avancé pour ne pas envisager cette hypothèse. Les difficultés d’application des textes pour les juges, en particulier l’article 350 du code Civil qui régit la déclaration d’abandon par l’autorité judiciaire, font que l’on glisse souvent vers des enfants grands quand ils sont déclarés adoptables.

Claire Gore montre en fait que les actions de prévention amplifient massivement un mouvement d’abandon différé. Le nombre total d’enfants placés dans des familles d’accueil, parfois pour de courtes durées, est de l’ordre de 140 000 dont 20 000 n’auraient aucun rapport avec leur famille d’origine (selon le Conseil Economique et Social en 1990).
L’abandon recouvre à la fois l’action de laisser et celle de donner. Le semi abandon, caractéristique des enfants délaissés, présente des répercutions généralement plus vives que dans le cas d’un abandon complet, en particulier en interdisant le travail de deuil du parent biologique.
En effet, l’enfant peut fonctionner comme suture dans l’abandon et ce dernier nécessite une maturité plus grande que le non abandon. Un moi structuré permet alors à la mère d’élaborer un projet d’abandon, ce qui se traduit par le fait que la quasi totalité des femmes qui abandonnent ne sont pas de très jeunes femmes.
Les effets du maintien du lien avec la mère biologique, même distendu, est un a priori fondé sur l’idéologie du lien. Les adultes s’identifient plus facilement aux parents qu’aux enfants, en particulier dans l’idéalisation de leur absence. Ce point de vue est favorisé dans la prise en compte des traces laissées chez l’enfant par l’absence de l’adulte référent. Il en va de même quand nous pensons que l’enfant ne peut se construire           exclusivement qu’à partir de ses origines. Nous nous contentons de penser que seules comptent les traces internes desdits parents constituées dans le psychisme de l’enfant, au cours des relations précoces avec ses géniteurs, ou encore que la loi falsifie la réalité et que l’enfant ne peut se construire exclusivement qu’à partir de ses origines. L’auteur met en garde contre ces idéologies car elles peuvent cacher un refus de reconnaître la dysparentalité.

Claire Gore rappelle qu’il existe une carence des familles d’accueil car cet accueil est non définitif et de plus elles ne sont pas totalement maîtres de l’éducation à cause de la dépendance d’un organisme de tutelle. Quand l’adoption est tardive, l’enfant doit en plus de la distanciation et de la réconciliation, intégrer la présence d’une tierce personne, l’ASE. L’exercice extérieur de l’autorité parentale peut développer des sentiments de honte et de culpabilité dans les familles d’accueil, en butte à deux écueils : la difficulté du deuil ou le faible investissement.
Si aujourd’hui la tendance lourde des postulants est de souhaiter adopter un enfant le plus petit possible, il convient de rappeler que selon Montagnier, dans les années 60, on adoptait vers 4 à 5 ans et qu’il existe des organisations et des associations qui se sont spécialisées dans le placement de ces enfants grands. De plus le paradigme selon lequel tout se jouerait dès les trois premières années (ou deux ou quatre, selon les auteurs) semble remis en cause et des travaux ont montré que si l’enfant adopté grand est placé dans un environnement favorable, le redémarrage de la plasticité cérébrale peut s’opérer. Dans les cas étudiés, l’une des constantes que l’on peut corréler avec le succès de l’entreprise est le souci des parents de transmettre autour d’eux leur projet. L’adoption est une forme substitutive de soins supérieure à l’accueil. Les parents de substitution jouent un rôle actif de levier dans le deuil des parents biologiques : nommer quelqu’un père ou mère permet de faire disparaître le biologique. Bref, le sentiment de soi est plus solide quand il existe une adoption, même tardive.

Claire Gore note la difficulté de connaître les chiffres de l’adoption dans les différents pays d’Europe, que nous avons constaté à notre échelle, où nombre de détenteurs de ces données se comportent devant elles comme face à une information classifiée secret défense. Néanmoins, il ressort des logiques différentes, par exemple entre la France, adepte du retour dans la famille biologique, et la Grande-Bretagne, qui prône une inclusion dans une famille, quelle qu’elle soit.

« MOÏSE, ŒDIPE ET SUPERMAN… De l’abandon à l’adoption »

de Sophie Marinopoulos, Catherine Sellenot et Françoise Vallée    

Fiche par Claire MARTI
             
Je viens d’entendre sur France Inter une interview de Sophie Marinopoulos, un des auteurs d’un nouveau livre sur l’abandon et l’adoption :
L’interview par Danièle Messager fut court mais donne une idée du contenu du livre et des idées des auteurs. Je l’ai enregistré et je vous livre ici ce que j’en ai retenu. J’ai essayé au maximum de reprendre ses propres mots. Le livre veut témoigner de ce qui se passe en adoption mais aussi de ce qui se passe dans les situations d’abandon.
Sophie Marinopoulos a un discours très protecteur envers les parents biologiques qui abandonnent. Il ne faut pas les juger mais penser qu’ils sont dans la détresse. Il faut faire de la prévention. Il faudrait pouvoir les orienter dans des lieux où ils seraient pris en charge dans une sécurité suffisante pour accueillir leur enfant. La société fait peser un poids de culpabilité énorme sur les mères qui abandonnent. La pression est telle (elles sont les « nouvelles sorcières modernes » (sic)), que l’on entend de plus en plus d’histoires d’enfants abandonnés sur la voie publique. Elle parle toujours des «parents » de naissance. A chaque question sur les mères biologiques, elle répond en précisant «père ET mère ». Pour elle, il faut prendre soin de tout le monde. Il faut être concret et prendre soin des parents de naissance, de l’enfant qui naît, des parents adoptifs. On ne peut pas dire, «on prend soin de l’adoption» et ne pas prendre soin de l’abandon. C’est le même enfant qui va passer d’une histoire avec des parents qui l’abandonnent à une histoire avec des parents qui l’adoptent. Prendre soin de l’enfant à naître qui ira vers l’adoption passe par prendre soin des parents qui abandonnent.
La longue procédure que représente l’agrément, c’est le temps où l’on prend soin des parents qui vont prendre un enfant pour en faire le leur. C’est un cheminement qui se prépare. Ce temps est un moment privilégié de préparation du « nid de l’enfant ». La filiation adoptive est une filiation « à risque » (sic). Il faut prendre le temps de réfléchir à ce que c’est qu’accueillir un enfant. Faire sien un enfant, lui transmettre quelque chose de sa propre histoire, comporte une part complexe de soi, de l’intime, du singulier, qui doit être parlée avant que l’enfant arrive. La procédure d’agrément est un accompagnement dans ce cheminement nécessaire.
Sophie Marinopoulos propose aussi que les familles qui ont adopté soient plus suivies après l’adoption. Un auditeur pose la question des risques lorsqu’une famille monoparentale adopte un enfant. Pour elle, il n’y a risque que si la personne qui adopte est totalement isolée dans la relation avec l’enfant, s’il n’y a pas un tiers dans cette relation.
Elle parle aussi des adoptions qui ne fonctionnent pas bien, où les parents adoptifs, dans un état de souffrance intense, rendent l’enfant, parce que la filiation n’a pas pu se créer. C’est insupportable pour l’enfant qui a été de nouveau abandonné mais aussi pour le parent qui est en échec dans sa parentalité.           

Quand une adoption ne fonctionne pas, il faut que les parents adoptifs acceptent de venir vers les psys. Ils ne seront pas jugés mais pris en compte afin de les aider à ce que leur histoire «redémarre » vers une histoire positive.
Danièle Messager parle du poids du regard de la société sur les parents qui abandonnent mais aussi sur les parents adoptifs. Certains parents veulent adopter parce que sans enfant, ils ne se sentent pas parfaitement intégrés dans la société. Plus tard, on demande parfois aux enfants de se justifier. Elle parle d’une petite fille née en Inde à qui l’on demande si elle se sent plus française ou plus indienne. L’enfant est identifié en permanence par rapport à cette venue d’ailleurs.
Pour Sophie Marinopoulos, notamment lorsque l’enfant est de couleur, il y a une part de l’intimité de la construction familiale qui est exposée. L’enfant adopté est vécu par les autres comme extérieur à la famille. « Et tout le monde s’en mêle, comme si l’enfant appartenait à tout le monde ». Elle recommande aux parents d’être « virulents » par rapport à cela. L’histoire familiale ne regarde pas les autres.
Cela peut être un élément de difficulté de construction filiative. Les parents doivent se sentir capables d’affronter le regard des autres et capable de protéger leur enfant du regard des autres.
Sophie Marinopoulos trouve qu’il faudrait reconsidérer cette priorité que notre société donne à la biologie. « Seraient père et mère ceux qui ont fabriqué l’enfant ? ».
La construction filiative, c’est se sentir « l’enfant de… ». On n’a pas besoin d’être né de ses parents pour être l’enfant de ses parents . Un parent adoptif est un parent à part entière.
Sophie Marinopoulos fait alors allusion à Benjamin, ce petit garçon de 4 ans qui est menacé d’être retiré à ses parents car un géniteur le réclame. Pour elle, il est trop tard pour séparer Benjamin des ses parents.

Extrait de la 4ème de couverture : « Que signifie s’inscrire dans l’histoire d’une nouvelle famille avec son propre passé, construire un nouveau lien de filiation appelé à résister
à l’épreuve du temps ?

Illustré de cas cliniques, de témoignages, nourri d’enquêtes originales, cet ouvrage aborde de nombreux points concrets :

Pourquoi certains enfants ne sont-ils pas adoptables ? Comment sont sélectionnées les futures familles adoptives ? Quels sont les problèmes spécifiques rencontrés par les enfants adoptés ? Comment réagir face à leurs questions ? Faut-il les aider dans leur quête des origines ? »


Je n’ajouterai qu’un mot :
« en refermant ce livre, je me suis senti plus intelligent qu’avant de l’ouvrir » (Bernard Tomianka)

De l’adoption. Des pratiques de filiation différentes

d’Isabelle Leblic.

Presses Universitaires
Blaise Pascal, 2004    

Fiche par Jacques CHOMILIER


L’ouvrage collectif dont Isabelle Leblic assure l’édition permet de prendre du recul sur les différents modes de la parentalité et il nous rappelle que, dans beaucoup de sociétés non occidentales, la primauté de la convention juridique sur le biologique est établie. La notion d’intérêt de l’enfant, qui est une préoccupation occidentale récente (le XXe siècle), présuppose que l’enfant soit un individu autonome, et en cela elle relève d’une vision restrictive de l’adoption, quand on regarde ce qui se passe ailleurs. En effet, l’adoption s’inscrit dans les pratiques de la circulation des enfants, mais d’autres modes de circulation existent dans des cultures différentes de la nôtre, dont la motivation n’est pas toujours liée à un phénomène de carence. La mondialisation passe aussi par l’exportation des modèles de familles du monde occidental, par exemple dans la proclamation de principes moraux tel que celui qui affirme qu’il vaut mieux ne pas procréer que se séparer de ses enfants. A ce titre, la convention de La Haye sur l’adoption internationale apparaît pour ce qu’elle est, une norme occidentale. Dans d’autres sociétés, nous n’observons pas comme chez nous de séparation définitive entre deux classes, les donneurs et les accepteurs d’enfants, mais les deux rôles sont souvent tenus successivement au cours de la vie.           

Le point de vue extérieur est très intéressant car il permet de se poser des questions qui vont de la nature de l’échange dans l’adoption plénière au rôle de l’Etat dont l’interposition permet à l’adoption de quitter la sphère de l’échange.
Cela permet aussi de se rendre compte de la nécessité d’un tiers et de porter alors un nouveau regard sur l’agrément qui met en avant une logique juridique abstraite de transfert de droits et d’obligations parentales, contredisant qu’il s’agisse d’un transfert de l’enfant lui-même. C’est en accord avec les représentations partagées du don qui se greffent au système d’adoption, que les adoptants eux-mêmes souscrivent à la médiation d’un tiers qui assume la responsabilité du transfert et qui les soustrait ainsi aux implications d’un éventuel don d’enfant. L’adoption ne s’inscrit pas dans la sphère du don, même négativement, car le don crée de la hiérarchie ; il grandit celui qui donne et met en dette celui qui reçoit. Reconnaître le don d’enfant équivaudrait à reconnaître à la mère inapte, vulnérable et démunie, une position supérieure à celle des adoptants. L’adoption n’est pas un don d’enfant, elle est un don fait à l’enfant.

En conclusion, pour s’ouvrir l’esprit, un ouvrage agréable à lire.

La circulation des enfants en société traditionnelle

Prêt, don, échange

de Suzanne Lallemand.

L’Harmattan, 1993

Profitons de cette occasion pour rappeler que les éditions de l’Harmattan viennent de rééditer l’ouvrage de Suzanne Lallemand, auquel Isabelle Leblic fait nécessairement référence. Les différentes formes de circulation des enfants sont décrites dans un livre savant, riche, pas forcément facile à lire pour les lecteurs qui ont oublié les différents types de parentalité, tels que le système eskimo, crow ou omaha. Bref, pour initiés.

Au risque de l’adoption, une vie à construire ensemble

de Cécile Delannoy.

La Découverte 2004      

     
Dans un ouvrage récent Cécile Delannoy aborde les problèmes de l’adoption. Elle rappelle la nécessité de la régression, mais que celle-ci sera impossible dans le cas de carences affectives fortes. Les troubles de l’attachement se produisent quand la capacité de faire confiance à un adulte est détruite chez l’enfant. L’enfant peut intérioriser une figure maternelle qui persiste même en absence de mère. Ce livre ne propose pas de théorie unificatrice, mais il fourmille de détails, tels que l’oubli immédiat de la langue d’origine dans la plupart des cas, ou le fait que lorsque le lien entre l’enfant et les parents est attaqué à l’adolescence, celui avec les grands-parents semble indestructible. Le non su fait partie de l’histoire de tous les enfants et l’ordre de l’intime des parents ne les concerne pas. La clarification du problème des origines par adoptants n’est pas suffisante : ils doivent imposer le principe de réalité et faire comprendre que c’est un leurre de croire que l’on peut modifier le passé. La seule importance du lien biologique est celle que lui accordent en pensée adoptés et adoptants. C’est à partir de l’arrivée de difficultés scolaires que les parents sont confrontés à l’enfant réel, et donc aux limites de leur propre toute puissance imaginaire au service de l’enfant. L’enfant s’origine dans le désir de ses parents, et une adoption réussie se caractérise par un triple deuil : celui de l’enfant parfait, celui du parent parfait et tout-puissant et celui de la relation parfaite.
On peut regretter que les études de comparaison entre enfants dans différentes conditions ne soient pas toujours correctement référencées, d’autant plus que parfois les conclusions sont en contradiction avec des travaux déjà présentés dans cette Lettre, comme ceux de Michel Duyme. Il s’agit néanmoins d’un ouvrage accessible, pas renversant, mais qui fait bien le descriptif des différents risques, sans toujours proposer la théorie nécessaire. A recommander à tous ceux qui disent que l’APAEC ne parle jamais des difficultés de l’adoption.

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