Recherche par contact sur place
Témoignage de Ricardo.
Recherche par contact sur place
Témoignage rédigé deux ans après le retour.
Ricardo – Comment le facteur chance a tout bouleversé.
J’ai été adopté avec mon frère en 1995. J’étais assez réticent quant à l’adoption. L’orphelinat était ce que j’avais connu, avec beaucoup d’enfants, des encadrants qui prenaient soin de nous. Mais ça, c’était il y a si longtemps…
Si je devais donner un conseil aux jeunes qui se lancent là-dedans, ce serait d’être résolument motivé, ne n’avoir pas trop peur, d’être curieux et accrocheur. Détermination et conviction sont de bons atouts ! Il se peut que la démarche ne donne pas le résultat espéré. Mais il est important d’aller au bout de sa démarche, de tout tenter, dans la limite du raisonnable bien sûr.
Moi j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un qui m’a mis en contact avec une association qui travaillait avec des enfants d’un bidonville de la ville où je suis né. Les enfants dont ils s’occupaient n’étaient pas sous protection, et encore moins adoptables, mais ils ont été sensibles à mon histoire. Je suis allé sur place, et ce n’est qu’ensuite que je leur ai dévoilé le but réel de mon séjour. Même s’ils s’en doutaient probablement ! Je suis allé dans la structure où j’avais été adopté (une casa de adopción) où j’ai été très bien accueilli. J’y ai récupéré quelques papiers au sujet de mon adoption et même des photos de l’époque.
J’ai insisté pour retrouver ma mère biologique, et ils m’ont alors parlé d’un enquêteur privé, si tel était mon choix. Mais je n’avais pas d’argent pour cela. Heureusement, les éducateurs de l’institution avec laquelle j’étais par ailleurs en contact (et qui n’avait rien à voir avec l’adoption) m’ont mis en contact avec une journaliste d’une radio locale. Et là, tout est allé très vite.
Incroyable, une semaine à peine sur place, et j’ai retrouvé ma famille biologique !
On m’a demandé de me présenter, de raconter un peu qui j’étais, mon histoire, ce que je faisais de ma vie, et le but de mon voyage en Colombie. J’ai donc cité le nom de ma mère, le seul nom qui me reliait avec elle. Et grâce aux papiers récupérés dans l’institution où j’avais vécu avant l’adoption, j’ai pu donner son nom complet, l’adresse de l’époque et surtout… le fameux numéro de la carte d’identité colombienne, la cédula, qui identifie chaque personne pour la vie.
Après la diffusion de mon interview, nous avons attendu quelques minutes, et le téléphone a sonné très peu de temps après. L’éducateur qui m’accompagnait avait donné son portable et une jeune fille qui disait se souvenir très bien de moi l’a appelé. Elle disait qu’elle savait où était ma mère et qu’elle se souvenait de mon histoire. Nous sommes allés chez elle sans tarder.
J’étais circonspect, je me demandais où tout cela allait m’amener. Je suivais le mouvement, attiré, curieux.
Sur place, je ne reconnu pas la jeune fille, elle n’évoquait aucun souvenir en moi. Sa mère éclata en sanglot, remerciant le ciel d’avoir pris soin de nous. Elle me raconta ensuite l’histoire, et sa vérité. Elle semblait attentive à tout et me parla ensuite de ma mère, de sa vie, de ses difficultés, des disputes avec mon père, de la violence et de leur séparation… et de l’abandon de mon frère et moi qui n’avait pas manqué de suivre.
Ma mère nous avait donc placés là, chez cette dame qui s’appelait Ligia. Elle lui avait dit que c’était seulement provisoire, le temps de trouver une solution, pour des raisons économiques, et aussi pour nous protéger de mon père. Mais apparemment elle n’y arriva pas, et Ligia fut obligée de nous signaler au Bienestar, car elle était madre comunitaria (nourrice dans une crèche sociale encadrée par l’ICBF), et elle ne voulait pas avoir d’ennuis et voir sa crèche fermer. Ligia parlait, parlait, parlait puis elle appela ma mère, pour l’informer de ma visite. Ma mère arriva une ou deux heures plus tard. Mes sœurs étaient là bien avant, mon autre frère également. J’étais très surpris d’apprendre que j’avais des sœurs et un autre frère, je ne le savais pas. Un peu gêné je les serrai dans mes bras eux aussi. Je me sentais bizarre! Quand ma mère arriva, je me sentais encore plus « bizarre ».
Je ne savais pas comment me comporter, comment être dans l’empathie. Car j’étais aussi en demande de savoir auprès de ma mère, sa vérité, le pourquoi de mon histoire. Ces retrouvailles m’ont libéré dans le sens où j’ai pu terminer le puzzle de mon passé, satisfaire la curiosité de connaître la vérité sur ma vie, mon histoire et j’ai une vision claire aujourd’hui. Bien sûr, j’ai posé des tas de questions à ma mère pour cela, mais aussi à Ligia, celle qui m’a gardé. J’ai été gêné de voir ma mère si changée mais aussi si croyante et si sûre d’elle pensant que le passé c’est le passé, que je suis son fils, que je lui appartiens de fait, qu’elle pouvait m’accaparer, me tenant serré contre elle, me collant avec une facilité… Non je n’ai pas été habitué à cela, à recevoir l’amour d’une mère, je ne sais d’ailleurs pas ce que cela veut dire. Elle voulait le démontrer, mais ça ne me correspond plus, alors que j’en ai si longtemps ressenti le désir. Je la comprends, pour elle c’est un miracle que je sois réapparu dans sa vie. J’ai dû quand même lui rappeler que je me suis construit moi-même, et que, lorsqu’elle me demande si je l’aime… je suis incapable de lui donner une réponse !
J’ai ressenti quelque chose de sincère quant à la découverte de l’identité de ma mère, oui quelque chose s’est casé, s’est mis en place. Sa cédula correspondait au numéro que j’avais en ma possession.
Mais en plus la famille avait une photo de nous tous réunis, je n’étais alors qu’un petit enfant de 3 ans. Je garde aujourd’hui contact avec tous les membres de ma famille, je les appelle quand je peux, mais on n’a pas trop grand chose à se dire. Cela me convient quand même de rester en contact avec eux. Ils attendent que je revienne les voir, je sais que je les reverrai, c’est en projet.